Damien Butin est directeur stratégie et maîtrise d’ouvrage du patrimoine naturel à Bordeaux Métropole. Il est spécialisé en matière de politiques publiques d’aménagement et de gestion des paysages et traite plus globalement les enjeux relatifs à la transition écologique.

Engagé depuis de nombreuses années sur les questions de paysage, de biodiversité, d’urbanisme durable et de résilience urbaine notamment, il intervient régulièrement auprès d’élus, d’acteurs de l’aménagement et d’étudiants. Convaincu que la transition passe par un nouveau regard et de nouvelles pratiques, il propose dans son ouvrage « Politique paysagère, pour une ville verte et durable » une approche didactique et opérationnelle en utilisant le paysage et l’écologie comme entrée privilégiée des problématiques du territoire et comme outil de médiation entre les différents acteurs qui le façonnent. Sa démarche propose de mettre en cohérence des projets et des dynamiques à l’œuvre.

En effet, dans un monde en mouvement, enclin à des bouleversements profonds du fait notamment du réchauffement climatique, de la chute de la biodiversité ou encore des enjeux de confort et de santé publique, les territoires sont voués à muter pour évoluer et se réinventer. Pour ce faire il porte des logiques de robustesse et de bifurcation qui traduisent la capacité d’adaptation à l’imprévu, une aptitude à intégrer l’incertitude dans la fabrique de la ville. Ce renversement appelle à une lecture systémique des territoires, dans laquelle chaque composante — environnement, santé, économie, habitat, mobilité, agriculture, culture — est interconnectée.

Aussi, le territoire ne peut plus être simplement le réceptacle de politiques publiques sectorielles. Il doit devenir un projet commun, un cadre d’action partagé, porteur de sens et de cohérence pour l’ensemble des acteurs.

Nous avons échangé avec lui sur les origines de ce projet, ses ambitions, et la manière dont une nouvelle culture, basé sur les sujets du paysage et de l’écologie, peut transformer nos politiques publiques et par voie de conséquence nos œkoumènes.
Et si le paysage devenait notre meilleure arme pour réussir la transition écologique ?
Damien Butin propose une nouvelle lecture du paysage comme outil de transformation profonde des territoires.  Le paysage ne se résume pas à un esthétique. Il  est façonné par les choix opérés en matière d’habitat, de transport, de développement économique, de gestion des ressources naturelles…

Le paysage et l’écologie doivent revenir au centre des préoccupations, non pas comme un simple décor passif qui serait agréable à contempler, mais comme un leitmotiv global et un fil conducteur permettant ainsi aux territoires d’être résilients face aux risques grandissants du monde contemporain dans lesquels nous évoluons. Pour ce faire, il est important de disposer d’une lecture d’ensemble qui se traduit par la notion de “grand paysage” que nous retrouvons au sein de son livre.

Le paysage est un bien commun dont nous sommes les dépositaires.

Un livre pour décloisonner l’aménagement du territoire

À la question « À qui s’adresse ce livre ? », Damien Butin répond sans détour : aux élus, aux professionnels de l’aménagement, mais aussi aux étudiants et aux citoyens qui refusent de voir uniquement le paysage comme un simple décor mais plutôt comme un levier décisif de la transition écologique à laquelle nous devons apporter collectivement des réponses.

L’ambition de l’auteur est claire : Le paysage et l’écologie constituent des entrées privilégiées pour appréhender les enjeux du territoire. En tant qu’outil de médiation, ils facilitent le dialogue entre les différents acteurs qui contribuent à le façonner. La démarche paysagère et écologique renforce cette approche en structurant les dynamiques locales autour d’une vision partagée.

Elle permet de mettre en cohérence les projets existants et à venir. Ainsi, il devient un levier stratégique pour un aménagement durable et concerté du territoire. Son ouvrage “Politique paysagère, pour une ville verte et durable” développe cette vision et se présente ainsi comme un pont entre théorie, méthodologie et action.

« Conduire un projet de territoire par le paysage et l’écologie, c’est dessiner une trajectoire commune pour les diverses politiques sectorielles. »

Du paysage comme décor, au paysage comme moteur : redonner sa place au paysage dans l’histoire et dans l’action

Grâce à un retour sur l’histoire des politiques paysagères – de la loi de 1976 à la Convention européenne du paysage de 2000 – l’auteur montre comment notre regard sur le paysage a progressivement évolué. Mais ce n’est pas suffisant. Aujourd’hui, il s’agit d’intégrer véritablement le paysage et l’écologie dans la structuration dans les politiques de transport, d’énergie, d’agriculture ou encore de santé. Il ne suffit plus de le protéger, il faut construire par lui et créer du sens à l’échelle locale. Paysage et écologie doivent être le creuset des projets de territoire pour une déclinaison cohérente et convergente des politiques publiques entre elles.

« Ce n’est plus une politique de paysage que nous devons construire, mais une politique par le paysage.

Un outil face à la crise climatique

Face à la densification des villes, aux canicules, aux inondations et à la perte de biodiversité, le paysage devient un outil d’adaptation.
Damien Butin introduit la notion d’éco-paysage : un paysage vivant, riche par essence, que l’on ne modèle plus à outrance mais que l’on respecte et valorise dans ses formes naturelles et dynamiques propres.

« Paysage et biodiversité sont des systèmes vivants. Ils constituent le socle de base de toute démarche d’aménagement. »

Son livre détaille également un cas concret : la transformation d’une friche industrielle en parc naturel. Un projet exemplaire où les enjeux de biodiversité, de climat, et de cadre de vie dialoguent et convergent pour davantage de résilience.

Au cœur du propos : un outil encore trop méconnu, le plan de paysage et écologie

Au cœur de sa proposition : le Plan de paysage et écologique, un outil de co-construction qui précède les documents d’urbanisme et pose un cadre lisible pour tous les acteurs. Il y voit une réponse au besoin urgent de cohérence, trop souvent sacrifié au profit de visions sectorielles fragmentées et isolées.

« Le grand paysage redonne une vision d’ensemble, compréhensible par tous. Il dessine des trajectoires territoriales lisibles et partagées. »

Le paysage et l’écologie, outil de médiation

Pour l’auteur, le paysage et l’écologie ne peut pas se faire sans les habitants. Il plaide pour une démarche de co-construction continue, où les élus sont des “soignants du territoire” et les citoyens des contributeurs actifs.

« Les citoyens sont les experts de leur cadre de vie. Les élus, les animateurs du territoire. »

Il évoque des dispositifs comme les chantiers participatifs, les maisons du paysage, ou encore les plateformes d’éducation au vivant. Ces outils créent une dynamique collective capable d’acculturer et d’ancrer les projets durables dans la durée en favorisant une meilleure compréhension et acceptation.

« Chaque projet peut faire l’objet d’une démarche participative. »

Une jeunesse à la manœuvre

La dernière partie de l’ouvrage trace des perspectives et ne laissent aucun doute : ce sont les jeunes générations qui piloteront les transformations à venir mais nous devons d’ores et déjà préparer et esquisser les bifurcations qui s’impose à nous. Porté par un regard lucide sur les mutations à venir, l’auteur appelle les jeunes générations à s’emparer de ces enjeux. À ses yeux, elles ne doivent pas seulement s’adapter, mais prendre la mesure des enjeux et la main sur la transformation des territoires, notamment les métropoles où plus de 50% de la population y vit actuellement. Ce chiffre va continuer à progresser dans les années à venir alors que la ville va polariser les enjeux saillants des changements climatiques, de fractures sociales, de santé publique à titre d’exemple.

« Ils devront transformer durablement nos villes, pour penser pouvoir y vivre. »

Et demain ? des villes plus vertueuses, intégrées et résilientes

« En ville, à la campagne, dans les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien : le paysage joue un rôle majeur dans la qualité de vie des populations. »

L’ouvrage apparaît dans son ensemble comme un outil de dialogue, d’anticipation et de médiation, et surtout, porteur d’un projet collectif : des villes apaisées, végétalisées, pensées pour la planète et ses habitants. Une ville construite sur des outils existants, mais utilisés autrement, et où l’écologie n’est plus une contrainte, mais une trame de fond pour bâtir du lien, du bien-être et de la résilience. On comprend alors que face aux complexités croissantes, il devient impératif de changer de paradigme. Nous devons sortir de la logique d’optimisation maximale qui a structuré les politiques publiques et les formes urbaines contemporaines, pour entrer dans une logique de robustesse, pensée comme une capacité d’adaptation à l’imprévu, une aptitude à intégrer l’incertitude dans la fabrique du territoire.

Il s’agit ici d’engager une bifurcation, non pas comme un simple ajustement, mais comme un changement d’orientation, rompant avec l’idée de performance continue. Dans cette perspective, la robustesse devient un fondement essentiel pour affronter les crises écologiques, sanitaires et sociales, non par la rigidité, mais par la souplesse, la diversité des réponses, la frugalité assumée et l’humilité face au vivant.

Ce renversement appelle à une lecture systémique des territoires, dans laquelle chaque composante — environnement, santé, économie, habitat, mobilité, agriculture, culture — est interconnectée. Le territoire ne peut plus être simplement le réceptacle de politiques publiques sectorielles, Il doit devenir un projet commun, un cadre d’action partagé, porteur de sens et de cohérence pour l’ensemble des acteurs. En ce sens, le projet de territoire devient un instrument stratégique de transformation, capable de fédérer les dynamiques locales et d’opérer une convergence réelle des politiques publiques autour des objectifs de transition écologique, énergétique, sociale mais aussi de résilience collective.

Ce projet de territoire, fondé sur une vision partagée, doit permettre d’aligner les objectifs de sobriété foncière, de santé environnementale, de lutte contre les îlots de chaleur urbains, de développement des mobilités douces, de résilience alimentaire ou encore de qualité des espaces publics. Il s’agit de sortir du cloisonnement décisionnel pour bâtir des trajectoires intégrées, à l’échelle des bassins de vie et des unités paysagères, en partant des spécificités de chaque territoire, de ses ressources, de ses vulnérabilités et de ses aspirations.

Ainsi, le plan de paysage et écologie, en tant qu’outil de diagnostic, de dialogue et de projection, permet de porter cette approche disruptive. Il ne s’agit plus seulement de planifier la ville, mais de la cultiver, en l’inscrivant dans un récit commun fondé sur la sobriété, la diversité, la beauté, et la reconnexion au vivant. C’est en cela qu’il devient un levier fondamental de cette bifurcation nécessaire, en offrant un cadre méthodologique opérationnel à l’échelle du quotidien pour faire advenir des territoires robustes, justes et désirables.

Vous souhaitez participer pleinement à la transition écologique et à la mise en place de procédés plus durables dans nos modes de vie ? Nos formations vous permettent de vous former dans ce domaine, selon la thématique de votre choix.

;