Ancien chercheur, Loïc Hardouin enseigne à l’Institut Supérieur de l’Environnement depuis 2016. Ce docteur en écologie intervient auprès des étudiants inscrits en Brevet de Technicien Supérieur Agricole Gestion et protection de la nature (BTSA GPN) et de ceux inscrits en Bachelor en environnement (1re, 2e et 3e). Pour ce professeur, l’objectif est d’apporter aux étudiants des clés de compréhension de l’écologie, une science complexe, pour permettre à ces futurs professionnels de l’environnement de travailler en toute connaissance de cause.
ISE : Qu’est-ce qui vous a amené à enseigner à l’ISE ?
Loïc Hardouin : « Après un bac agricole, j’ai poursuivi une formation universitaire supérieure jusqu’à valider ma thèse sur la communication acoustique et la territorialité chez les rapaces nocturnes et obtenir le grade de docteur en écologie. J’ai ensuite enchaîné plusieurs post-doc à l’étranger et en France et donné des cours à l’université et au CNRS. À l’origine, j’ai un profil de chercheur se destinant soit à travailler au CNRS, soit enseigner en faculté. Mais au bout de 14 ans dans la recherche, j’ai souhaité me réorienter vers un cadre d’enseignement différent. »
ISE : Quels sont les avantages du cadre pédagogique de l’ISE ?
Loïc Hardouin : « C’est la première fois que j’enseignais à un groupe sur toute l’année. Les classes en effectif réduit offrent un cadre d’enseignement bien moins impersonnel que le cadre universitaire. Nous avons une relation directe avec les étudiants et un suivi beaucoup plus individualisé.
À l’ISE, on dispose d’une grande liberté pédagogique. Pour ma part, tous les étudiants ont accès à tous les supports de cours des trois prochaines années, ils peuvent ainsi appréhender le cours que l’on va faire en avance. Dans mon approche, j’emprunte quelques principes de pédagogie dite active ou inversée.
Selon moi, le cours doit être un espace dynamique avec beaucoup d’interactions. Mes étudiants travaillent sur des travaux de groupe et réalisent des restitutions. On organise également des “chantiers nature” avec différents partenaires comme la réserve naturelle de Saint-Quentin-en-Yvelines ou encore les Colibris de Versailles.
Je les fais aussi travailler sur des articles scientifiques en anglais pour leur montrer que s’ils veulent une information de pointe, précise, actuelle, fiable et mise à jour, ce sont vers ces sources qu’il faut se tourner. Quel que soit leur choix de formation après, ils sont préparés à aller chercher la bonne information. »
ISE : L’écologie est un terme qui recouvre aujourd’hui une réalité assez vaste… Comment définiriez-vous cette notion, telle qu’elle est abordée dans vos cours ?
Loïc Hardouin : « Souvent les étudiants arrivent avec une vague idée de ce qu’est l’écologie, telle qu’elle est présentée par les médias à la télévision ou dans les journaux. Dans mes cours, je ne vais pas traiter d’écologie politique, mais de l’écologie en tant que science des interactions et des systèmes, des relations entre le biotope (le milieu) et la biocénose. Il s’agit d’observer comment le biotope influe sur la biocénose et inversement. Étudier comment interagit une espèce avec une autre – par exemple le loup dans une relation de prédation avec le lapin – mais aussi comment fonctionne une population de loups ou de lapins, à travers les taux démographiques, les mécanismes de variation et de régulation des espèces…
Je dis souvent à mes étudiants que l’écologie est une science poupée russe. Au départ, on a un système global qui est la planète Terre. Au sein de cette biosphère, il y a un paysage étudié par l’écologie du paysage. Par exemple, la “trame verte et bleue” est un grand dispositif mis en place au niveau national pour voir comment reconnecter les paysages entre eux et favoriser la libre circulation des espèces. Ensuite, on ouvre une nouvelle poupée russe qui est celle des écosystèmes avec les cycles biogéochimiques (azote, carbone, phosphore…), l’étude de la circulation de la matière, des nutriments… et puis, il y a l’échelle des communautés puis des populations, avec l’analyse des contraintes pesant sur les milieux et sur les populations. Un exemple très connu, c’est celui du tétras des prairies, un oiseau vivant aux États-Unis, qui a été impacté par la révolution verte avec la mécanisation de l’agriculture. Cela a drastiquement réduit l’espèce dont il ne reste qu’un petit noyau de population. »
ISE : Est-ce que vous abordez dans vos cours la notion de préservation de la biodiversité ?
Loïc Hardouin : « Je veux qu’ils comprennent la manière dont l’homme va impacter les milieux naturels et l’évolution des espèces. Par exemple, il s’agit de comprendre les conséquences de la construction d’une route, qui va séparer les individus d’une même espèce, comprendre comment cela peut amener des populations à s’éteindre par différents mécanismes (consanguinité, dérive génétique, perte de qualité du patrimoine génétique,…). Nous abordons dans mes cours l’écologie de la conservation et de la restauration qui permet de comprendre les différents outils de préservation de la biodiversité. …). »
ISE : De quelle manière ces futurs professionnels de l’environnement pourront-ils contribuer à la préservation de la biodiversité ?
Loïc Hardouin : « La mise en application des connaissances en écologie dépend ensuite de leur orientation et du poste qu’ils occuperont. À l’issue du BTSA GPN, ils peuvent travailler comme techniciens faune et flore au sein de structures publiques comme des parcs naturels régionaux, dans le milieu associatif ou même dans certaines entreprises privées. A l’issue du Bachelor en environnement et Mastère en management de l’environnement, certains vont se destiner à travailler en RSE, en Développement Durable, en QHSE, en dépollution des eaux, des sols ou encore dans les énergies renouvelables.
En contact direct avec la nature, les étudiants en BTSA GPN sont amenés à agir sur les milieux. À l’ISE, on va enseigner aux étudiants les clés pour comprendre le contexte d’un territoire, ses différents usages (touristes, chasseurs, agriculteurs…) et leur apprendre l’ensemble des mesures pour protéger le milieu et les espèces. Cela passe par l’apprentissage des techniques d’inventaire, destinées à suivre l’évolution d’une population en relevant les indices de l’état de conservation d’un milieu, etc., et l’apprentissage de techniques de génie écologique, par exemple pour restaurer une lande dégradée par l’homme.
L’idée est d’enrichir la conscience environnementale déjà éveillée de mes étudiants, de leur apporter des éléments de compréhension sur l’écologie fondamentale, mais aussi d’affûter leurs connaissances des grandes problématiques environnementales actuelles comme le réchauffement climatique ou encore la perte de biodiversité. Ils auront ces notions en tête dans leurs missions futures. S’ils agissent pour réduire la consommation d’énergie au sein d’une entreprise, ils sauront pourquoi ils le font. »