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Les European Sustainability Reporting Standards (ESRS) représentent une révolution dans le reporting de durabilité des entreprises européennes. Ces normes techniques, intégrées à la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), transforment la manière dont les sociétés communiquent leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Face aux enjeux climatiques et sociétaux actuels, l’Union européenne impose désormais une transparence renforcée sur les pratiques ESG. Cette harmonisation européenne vise à créer un écosystème d’information standardisé, permettant aux investisseurs et parties prenantes d’évaluer la performance durable des organisations avec des critères homogènes. Explications.

Définition et architecture des normes ESRS : comprendre les European Sustainability Reporting Standards

Contexte réglementaire et définition

Les ESRS sont le socle technique de la CSRD. Développées avec l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), elles définissent précisément les informations que les entreprises doivent publier sur leurs impacts, risques et opportunités matériels dans les domaines environnemental, social et de gouvernance.

L’objectif est double : aligner les modèles économiques avec les objectifs de développement durable de l’UE et fournir une information transparente sur la stratégie RSE.

Architecture modulaire

Les ESRS reposent sur une structure modulaire :

Normes transversales obligatoires :

  • ESRS 1 : exigences générales et conventions de rédaction
  • ESRS 2 : gouvernance, stratégie et indicateurs de base

Ces bases sont complétées par les normes thématiques : environnementales, sociales et de gouvernance, ainsi que par des normes sectorielles pour neuf secteurs prioritaires.

CatégorieNormesDomaines couverts
TransversalesESRS 1-2Exigences générales et informations de base
EnvironnementalesESRS E1-E5Climat, pollution, ressources, biodiversité
SocialesESRS S1-S4Effectifs, chaîne de valeur, communautés
GouvernanceESRS-G1Conduite des affaires et éthique

Les normes ESRS applicables : structure environnementale, sociale et de gouvernance

Les normes ESRS définissent de manière précise les informations à publier par les entreprises sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance, offrant un cadre structuré pour évaluer leur performance durable.

Chacune de ces normes se concentre sur des enjeux spécifiques, permettant aux entreprises de structurer leur reporting autour des trois grands piliers : environnement, social et gouvernance.

Normes environnementales (E1 à E5)

Les cinq normes environnementales couvrent les principaux enjeux écologiques :

  • E1 – Changement climatique : stratégies d’adaptation alignées sur l’Accord de Paris et analyse des impacts financiers.
  • E2 – Pollution : air, eau et sols.
  • E3 – Ressources aquatiques et marines : protection et gestion durable.
  • E4 – Biodiversité : évaluation des impacts sur les écosystèmes.
  • E5 – Économie circulaire : utilisation durable des ressources et transition vers des pratiques circulaires.

Normes sociales (S1 à S4)

Les quatre normes sociales évaluent l’impact sur les parties prenantes humaines :

  • S1 – Effectifs internes : conditions de travail, égalité et sécurité.
  • S2 – Chaîne de valeur : travailleurs des fournisseurs et sous-traitants.
  • S3 – Communautés locales : droits fondamentaux et impact sur la société.
  • S4 – Consommateurs : protection et information des utilisateurs finaux.

Norme de gouvernance (G1)

L’ESRS G1 évalue la conduite des affaires, la culture d’entreprise, la transparence vis-à-vis des fournisseurs, les pratiques anti-corruption et l’éthique. Elle examine également les engagements politiques de l’organisation, garantissant une gouvernance responsable et alignée avec les principes de durabilité.

Entreprises concernées par l’application des normes ESRS en 2025

Critères d’application avant et après la loi Omnibus

Initialement, toutes les entreprises de plus de 250 salariés devaient appliquer les ESRS.
Depuis la loi Omnibus de février 2025, seules les sociétés remplissant au moins deux des trois critères suivants sont concernées :

  • Plus de 1 000 salariés.
  • Chiffre d’affaires > 50 millions d’euros.
  • Bilan total > 25 millions d’euros.

Cette révision simplifie les obligations pour les entreprises de taille intermédiaire tout en conservant la transparence pour les grandes organisations.

Calendrier d’application progressif

  • 2025 : entreprises déjà soumises à la NFDR.
  • 2026 : autres grandes entreprises européennes et sociétés cotées hors UE.
  • 2027-2029 : PME cotées (report possible).
  • 2029 : entreprises hors UE avec activité significative en Europe.

Cas particuliers des PME et entreprises hors UE

Les PME bénéficient d’un reporting allégé (LSME) ou volontaire (VSME), tandis que l’assujettissement des entreprises hors UE dépend du chiffre d’affaires européen et d’une succursale dépassant 40 millions d’euros.

Le principe de double matérialité au cœur des ESRS

La double matérialité est l’innovation centrale des normes ESRS. Elle oblige les entreprises à considérer deux dimensions simultanément :

  • Matérialité d’impact : comment les activités de l’entreprise influencent l’environnement et la société.
  • Matérialité financière : comment ces impacts se traduisent en risques ou opportunités financiers pour l’entreprise.

Cette approche permet une vision complète des liens entre performance économique et développement durable.

Méthodologie pratique

L’évaluation de la matérialité suit trois étapes :

  1. Comprendre le contexte : modèle d’affaires, chaîne de valeur et écosystème.
  2. Identifier les enjeux ESG : ceux qui affectent ou sont affectés par l’entreprise.
  3. Sélectionner les enjeux matériels : ceux ayant un impact significatif ou un risque financier important.

Application concrète

La double matérialité s’applique à chaque norme thématique, permettant de prioriser les informations et de concentrer les efforts sur les enjeux les plus pertinents. Cela aide les entreprises à optimiser leur transformation durable tout en respectant les exigences de transparence réglementaire.

Type de matérialitéFocusExemples d’évaluation
Matérialité d’impactEntreprise vers extérieurÉmissions carbone, conditions de travail
Matérialité financièreExtérieur vers entrepriseRisques climatiques, opportunités durables

Comment préparer un reporting conforme aux normes ESRS ?

1. Mettre en place une gouvernance de durabilité

La gouvernance est la base d’un reporting ESRS efficace. Les entreprises doivent créer un comité RSE ou désigner un référent CSRD pour piloter la démarche.

Cette gouvernance fixe les objectifs de réduction d’impact, coordonne les actions entre les services et assure la cohérence de la stratégie de développement durable. Elle garantit également l’engagement de la direction et la mobilisation des ressources nécessaires.

2. Collecter et structurer les données ESG

La collecte des données ESG est un enjeu majeur. Les informations doivent couvrir l’année précédente et l’ensemble de la chaîne de valeur. L’utilisation de plateformes ESG spécialisées permet d’automatiser la collecte, d’assurer la qualité, la cohérence et la traçabilité des données, toutes essentielles pour la crédibilité du rapport.

3. S’appuyer sur des outils et accompagnement

L’EFRAG met à disposition trois guides pratiques pour faciliter la mise en œuvre :

  • IG1 : méthodologie d’évaluation de la matérialité.
  • IG2 : analyse des impacts sur la chaîne de valeur.
  • IG3 : points de données détaillés.

Des formations spécialisées continues ou à distance accompagnent les responsables RSE, consultants et dirigeants pour comprendre les exigences techniques et réussir la conformité, que l’entreprise soit assujettie ou volontaire.

ESRS et CSRD : comprendre la différence

La CSRD est une directive européenne qui fixe le cadre légal général pour le reporting de durabilité et définit quelles entreprises sont concernées. Les ESRS, quant à elles, sont les normes techniques qui précisent concrètement les informations à publier. Ensemble, elles forment un système cohérent, harmonisé à l’échelle européenne, tout en laissant une certaine flexibilité selon les secteurs et la taille des entreprises.

L’intégration des ESRS dans la CSRD s’inscrit dans un écosystème réglementaire plus large, en lien avec la taxonomie européenne et le devoir de vigilance. Cette approche vise à rendre l’économie européenne plus transparente et durable.

Enfin, les ESRS restent compatibles avec les standards internationaux comme le GRI, l’ISSB ou les Objectifs de Développement Durable (ODD). La différence majeure avec les IFRS de l’ISSB réside dans la double matérialité : les ESRS évaluent à la fois l’impact des activités de l’entreprise sur la société et l’environnement, et les risques et opportunités financiers liés à ces impacts. Cette spécificité européenne reflète une vision plus large de la responsabilité des entreprises.

ESRS : un levier stratégique pour la durabilité

Les ESRS transforment le reporting de durabilité en Europe en offrant un cadre clair et structuré pour évaluer les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance des entreprises. Au-delà de la conformité réglementaire, elles deviennent un outil stratégique pour anticiper les risques, identifier de nouvelles opportunités et renforcer la confiance des parties prenantes.

Que vous soyez une grande entreprise, PME ou acteur international, adopter les ESRS, c’est faire le choix de la transparence, de la responsabilité et de l’innovation durable au cœur de votre stratégie.