Les effets du changement climatique touchent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables à travers le monde. Ces inégalités environnementales exacerbent les injustices sociales et économiques déjà existantes. Selon le World Ressource Institute “les impacts du changement climatique sur les populations et les écosystèmes sont plus étendus et plus graves que prévu, et les risques futurs augmenteront rapidement à chaque fraction de degré de réchauffement”.
Face à ces défis, comment agir pour protéger ces communautés et réduire les écarts ?

Comprendre les impacts différenciés du changement climatique

Le changement climatique, amplifié par les activités humaines, provoque des bouleversements globaux. Si ses effets concernent toute la planète, ils touchent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables. Ces inégalités, souvent enracinées dans des contextes socio-économiques, politiques et géographiques, nécessitent une réponse globale et équitable pour garantir justice climatique et droits fondamentaux.

Changement climatique : les pays pauvres paient le prix fort

Selon la Banque mondiale, les 74 pays les plus pauvres ne sont responsables que d’un dixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, ce sont eux qui subissent le plus durement les conséquences du changement climatique. Comparé aux années 1980, ces nations ont déjà été confrontées à près de huit fois plus de catastrophes naturelles au cours de la dernière décennie.

Les 74 pays les plus pauvres dans le monde sont principalement situés en Afrique, en Asie et dans certaines îles du Pacifique. Parmi eux, on retrouve des nations comme le Niger, le Mali, le Burundi, le Malawi et la République Démocratique du Congo. Ces pays sont souvent désignés comme « les pays les moins développés » (LDC), un statut attribué par l’ONU en raison de leur faiblesse économique, de leur vulnérabilité aux catastrophes naturelles et de leur manque d’infrastructures.
Si le changement climatique reste incontrôlé, il pourrait, d’ici 2050, forcer plus de 200 millions de personnes à migrer à l’intérieur de leurs frontières, plonger jusqu’à 130 millions d’individus dans la pauvreté et anéantir des décennies de progrès en matière de développement, source “Un développement rapide et tenant compte du climat est nécessaire pour empêcher le changement climatique de plonger plus de 100 millions de personnes dans la pauvreté d’ici 2030”.

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Mayotte suite au Cyclone Chido en décembre 2024 – Source : Mediapart

Voici les conclusions et résumé du rapport AR6 du GIEC sous forme de tableau :

Qui sont les populations les plus vulnérables ?

Selon le rapport de synthèse AR6 du GIEC de 2023, les populations les plus vulnérables au changement climatique sont souvent celles qui ont le moins de ressources pour s’adapter. Cela inclut :

  • Les communautés pauvres et marginalisées : environ 3,3 milliards de personnes vivent dans des zones très vulnérables, principalement dans le Sud global. Ces communautés subissent des impacts comme l’insécurité alimentaire, la perte de revenus et la dégradation de leur habitat, souvent exacerbés par des conflits et des inégalités structurelles​, source AR6 Changement climatique 2023 et World Resources Institute
  • Les régions côtières et insulaires : les zones basses et les petites îles sont particulièrement exposées à l’élévation du niveau de la mer et aux événements climatiques extrêmes tels que les cyclones et les inondations​, source World Resources Institute.
  • Les agriculteurs et communautés rurales : dépendant directement de l’agriculture et des ressources naturelles pour leur subsistance, ces populations sont fortement affectées par les sécheresses, la désertification et la perte de biodiversité​, source World Resources Institute
  • Les femmes, enfants et peuples autochtones : ces groupes sont souvent désavantagés par des systèmes socio-économiques et ont un accès limité aux ressources, aux informations et aux infrastructures nécessaires pour faire face aux impacts climatiques​ source World Resources Institute
  • Les habitants de zones urbaines précaires : les bidonvilles et autres zones urbaines défavorisées manquent souvent d’infrastructures résilientes, ce qui les rend plus vulnérables aux vagues de chaleur, aux inondations et à l’insécurité sanitaire​, source World Resources Institute et IPCC AR6 Working Group.

3 conséquences majeures du changement climatique

1. Le déplacement massif des populations

Le changement climatique contribue à des déplacements massifs de populations, appelés migrations climatiques, causés par des phénomènes tels que la montée du niveau de la mer, les sécheresses prolongées, et les inondations. Selon la Banque mondiale, le nombre de migrants climatiques internes pourrait atteindre 216 millions de personnes d’ici 2050, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites. Ces migrations concernent particulièrement les régions du Sud global, avec des estimations de :

  • 86 millions en Afrique subsaharienne ;
  • 40 millions en Asie du Sud ;
  • 49 millions en Asie de l’Est et dans le Pacifique.

Ces déplacements ont de lourdes conséquences économiques, sociales et politiques, comme l’aggravation des tensions sur les ressources naturelles, l’instabilité sociale et des pressions sur les infrastructures urbaines. Ces projections sont issues des rapports « Groundswell » de la Banque mondiale.

2. Des pertes économiques de plusieurs centaines de milliards de dollars

Les catastrophes naturelles liées au changement climatique, comme les ouragans, les sécheresses et les inondations, provoquent des pertes économiques importantes. En 2022, ces catastrophes ont causé des dégâts évalués à environ 275 milliards de dollars, selon le rapport annuel sur les catastrophes mondiales de Munich Re. Les secteurs les plus touchés sont :

  • L’agriculture : les sécheresses et les inondations perturbent les récoltes, entraînant des pénuries alimentaires et des pertes de revenus pour des millions d’agriculteurs, notamment dans les pays en développement. Par exemple, la sécheresse en Afrique subsaharienne a affecté des millions de ménages agricoles.
  • La pêche : le réchauffement des océans et l’acidification perturbent les écosystèmes marins, réduisant les stocks de poissons, ce qui met en péril les moyens de subsistance des communautés côtières. Par ailleurs, ces pertes économiques ralentissent les efforts de développement durable dans les pays en développement, qui manquent souvent de ressources pour reconstruire.

3. Menace sur la santé publique, entre pollution, stress thermique et pénuries d’eau

pays pauvres face au réchauffement climatique

La hausse des températures et la pollution augmentent les maladies respiratoires, le stress thermique et les pénuries d’eau potable.

  • Maladies respiratoires et pollution de l’air : l’augmentation des températures aggrave la pollution de l’air, en favorisant la formation d’ozone et de particules fines, ce qui entraîne une hausse des maladies respiratoires comme l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). De plus, les incendies de forêt, amplifiés par la chaleur, libèrent des particules fines (PM2,5), affectant gravement la santé pulmonaire. Par exemple, l’ozone troposphérique a contribué à environ 490 000 décès dans le monde en 2021, source : IPCC Working Group II Report et Forum économique mondial.
  • Stress thermique et impacts cardiovasculaires : les vagues de chaleur augmentent le risque de stress thermique et de maladies cardiovasculaires, causant environ 489 000 décès annuels dans le monde. Les populations vulnérables, comme les personnes âgées et les enfants, sont les plus touchées, source : Rapport de l’IPCC sur les impacts climatiques et Forum économique mondial.
  • Pénurie d’eau potable et maladies hydriques : le changement climatique entraîne une augmentation des sécheresses, réduisant l’accès à l’eau potable et favorisant des maladies comme le choléra. En outre, ces pénuries affectent également la productivité agricole, exacerbant la malnutrition, source : Rapport de l’IPCC.

Ces données soulignent l’urgence de renforcer les politiques climatiques et sanitaires pour limiter les impacts sur les populations.

Lutter contre les inégalités environnementales : quelles solutions ?

Les inégalités environnementales nécessitent des solutions globales et inclusives pour garantir une justice climatique. Parmi ces solutions, des mécanismes de financement innovants émergent pour soutenir les pays les plus vulnérables.

Financements internationaux : le fonds pour les « pertes et dommages »

La COP27 a acté la création d’un fonds destiné à soutenir les pays vulnérables, qui subissent les effets du changement climatique mais qui n’en sont pas responsables. Ce fonds est une avancée importante pour la justice climatique, permettant de répondre aux pertes et aux dommages causés par des phénomènes climatiques extrêmes (inondations, sécheresses, etc.). Toutefois, la mise en œuvre concrète de ce fonds reste incertaine, car de nombreuses questions pratiques et financières doivent encore être réglées, notamment en termes de mécanismes de financement et de distribution. La réussite de ce fonds dépendra de la coopération internationale et de la transparence dans la gestion des fonds, source COP27.

Responsabilités partagées mais différenciées

Le principe de « responsabilités communes mais différenciées » est au cœur de l’Accord de Paris, stipulant que les grandes économies, responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre, doivent intensifier leur soutien financier et technique aux pays en développement.

Ce soutien est essentiel pour aider ces pays à s’adapter aux impacts du changement climatique et à réduire leurs émissions. Par exemple, l’Union européenne a promis d’augmenter ses contributions financières pour soutenir les pays en développement dans la transition énergétique et l’adaptation au climat. Cependant, l’application effective de ces engagements reste un défi, source Rapport AR6 et UNFCCC.

Protection des écosystèmes : encourager l’agriculture durable et la restauration des terres dégradées

Les initiatives locales jouent un rôle fondamental dans la lutte contre les inégalités environnementales. En particulier, la restauration des écosystèmes et la promotion de l’agriculture durable peuvent atténuer les impacts négatifs du changement climatique tout en améliorant les conditions de vie des populations locales. Par exemple, des projets de reforestation et d’agriculture régénérative dans des régions telles que l’Afrique subsaharienne ont montré des résultats positifs en termes de sécurité alimentaire et de résilience climatique. Ces initiatives permettent de restaurer les sols dégradés, de promouvoir la biodiversité et de réduire l’émission de gaz à effet de serre, source UNCCD (Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification).

Engagement communautaire : le rôle des savoirs autochtones

Les savoirs et pratiques traditionnelles des communautés autochtones sont des ressources précieuses pour l’adaptation au changement climatique. Ces communautés ont souvent développé des stratégies de gestion des ressources naturelles qui sont à la fois durables et résilientes face aux conditions climatiques locales. En reconnaissant et en intégrant ces connaissances dans les politiques climatiques, les gouvernements et les organisations peuvent renforcer les capacités d’adaptation des communautés vulnérables. Par exemple, en Amazonie, les peuples indigènes ont longtemps utilisé des techniques agricoles adaptées aux conditions locales qui pourraient être cruciales dans la lutte contre la déforestation et pour la gestion de l’eau, source International Work Group for Indigenous Affairs (IWGIA).

Sensibilisation et inclusion

Pour que les politiques climatiques soient efficaces, il est essentiel d’inclure les populations les plus vulnérables dans les processus décisionnels. Cela permet de s’assurer que les mesures prises répondent réellement à leurs besoins et que ces populations disposent des outils nécessaires pour participer activement à la transition écologique. L’inclusion des femmes, des jeunes et des communautés marginalisées est particulièrement cruciale, car elles sont souvent les plus touchées par les effets du changement climatique. Cependant, il est important que cette inclusion ne soit pas simplement symbolique (tokenisation), mais qu’elle s’accompagne d’un véritable pouvoir décisionnel, source Climate Justice Alliance.

Ces solutions permettraient de lutter contre les inégalités environnementales de manière globale et inclusive, en s’appuyant sur des actions locales, des financements internationaux et une réelle participation des communautés vulnérables. Pour une mise en œuvre réussie, un effort concerté de la part des gouvernements, des acteurs privés et des organisations internationales est nécessaire.

Conclusion

En conclusion, bien que des efforts soient déployés pour atténuer les effets du changement climatique, les grandes puissances économiques peinent déjà à ralentir leurs émissions de CO2, malgré leurs ressources et leurs capacités techniques. La transition vers des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la réduction des émissions demeurent des défis majeurs, même pour les pays les plus développés.

Dans ce contexte, la situation est encore plus critique pour les pays en développement, qui sont confrontés à des obstacles économiques et structurels considérables. Ces nations, souvent responsables de très faibles niveaux d’émissions historiques, seront les premières à subir les impacts dévastateurs du changement climatique, notamment à travers les catastrophes naturelles, la montée du niveau des mers et la dégradation de leurs écosystèmes.

Si les grandes puissances ont du mal à prendre des mesures ambitieuses, il semble évident que les pays en développement, avec des ressources limitées, auront encore plus de difficulté à faire face aux défis posés. La solution tient donc à l’appui et au soutien de la communauté internationale, et en particulier des nations disposant de moyens financiers et techniques importants, dans l’aide apportée à ces pays pour s’adapter et pour effectuer leur transition écologique.

Les populations vulnérables sont les oubliées de la crise climatique. En combinant justice sociale, inclusion et coopération internationale, il est possible de réduire les écarts et de garantir un avenir plus équitable. Les efforts collectifs pour promouvoir une transition juste et inclusive sont la résolution de cette problématique pour construire un avenir où tous les peuples, indépendamment de leur situation géographique ou économique, peuvent vivre dans un environnement sain et équitable.

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